La Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique (Sacem) est une organisation qui a été créée pour protéger les droits, comme son nom l’indique, des auteurs, compositeurs et éditeurs. Au cours de l’été 2022, plusieurs propriétaires de location saisonnière ont reçu des courriers de l’organisme leur demandant de verser des droits d’auteur.
Mais en quoi les locations courtes durées sont-elles concernées par des droits d'auteur ? Voyons quel est le lien entre ces deux domaines qui n’ont rien en commun aux premiers abords. Lorsque vous louez un bien immobilier pour une période temporaire, il est important de savoir si vous avez besoin de payer des droits de Sacem.
La Sacem est une société privée à but non lucratif qui a pour but principal de gérer les droits d’auteur liés à la diffusion de musique de manière commerciale, pour améliorer l’expérience du public à laquelle l'œuvre est diffusée. La gestion de ces droits se caractérise par la collecte puis le reversement de ces droits, en argent, aux auteurs, compositeurs et éditeurs concernés. Le support de diffusion peut être varié : télévision, radio, lecteur CD, etc.
Ainsi, les droits d'auteur versés à la Sacem sont des frais payés par des tiers pour utiliser et diffuser légalement de la musique à des fins commerciales. En pratique, l'exemple le plus répandu qui permet de mieux comprendre dans quel cadre la Sacem intervient : les discothèques. Les DJ diffusent de la musique, autrement dit des œuvres musicales protégées pour améliorer l’expérience des clients de la boîte de nuit. Dans ce cadre, la musique est diffusée à des fins commerciales, il s’agira donc dans ce cas de verser des frais à la Sacem.
Il est facile de comprendre pourquoi des redevances doivent être versées lorsque les œuvres sont diffusées durant un concert ou dans une discothèque, mais il est plus complexe d'en saisir les raisons pour les locations saisonnières.
Pour comprendre le point de vue de la Sacem sur cette question, il est nécessaire de se rappeler en quoi consiste une location saisonnière. Il s’agit de locaux mis à disposition d’un public à la suite d’une transaction commerciale (la réservation). Dans ces logements utilisés à des fins commerciales, il peut y avoir des équipements qui permettent de diffuser de la musique : une télévision, une radio, un lecteur CD, une enceinte, etc.
Ainsi, pour la Sacem, la mise à disposition d’équipements qui permettent de diffuser des œuvres musicales protégées à un public dans les locations de vacances est faite dans le but de :
Dans cette interprétation, le lien entre droits d’auteur et location saisonnière est davantage compréhensible. C’est par ces arguments que la Sacem justifie sa demande aux propriétaires de location courte durée de payer pour la diffusion d'œuvres protégées par les équipements de leur location.
Dans les lettres reçues par certains propriétaires de location saisonnière, l’organisme les appelait à verser un forfait annuel d’un montant de 223,97 euros pour pouvoir mettre à disposition des appareils permettant de diffuser des œuvres musicales protégées dans leurs locations de vacances.
Ce forfait correspond à la diffusion d'œuvres durant 105 à 110 jours de location par an, soit 2 euros par jour. Dans le cas de non-paiement, après relance de « mise en conformité juridique » de la Cour de cassation, les propriétaires encourent une amende pouvant aller jusqu’à la somme de 300 000 euros.
Même si le raisonnement de la Sacem a du sens, les propriétaires et professionnels du milieu de la location saisonnière s’interrogent tout de même sur cette interprétation de la Sacem est validée légalement. Des professionnels juridiques se sont penchés sur la question et en sont ressortis avec des éléments qui peuvent remettre en cause la lecture de la Sacem.
En effet, un cas précis défini par la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE) datant de 2020 questionne tous les partis de ce débat. Il s’agit de la spécificité du cas de la location d’une voiture possédant un équipement diffusant de la musique (radio). Il a été admis que des droits d’auteur ne doivent pas être versés dans le cadre d’une location de voiture. Ainsi, le parallèle entre une location de voiture et une location saisonnière peut être émis. Cependant, la spécificité du cas présenté nécessite la jurisprudence de tous.
De plus, dans un article sur ce thème du Service Public publié le 4 août 2022, des situations précises d’application des droits d’auteur étaient précisées. Il semblerait que la Sacem soit en droit de demander des droits d’auteur si “la sonorisation forcée d'un espace recevant du public” ou si “la réception d'un signal retransmis sur une télévision d'un hébergement”.
Est-ce que les locations saisonnières entrent dans l’une de ces catégories ? Est-ce que les locations saisonnières peuvent être considérées comme des voitures de location ? Ou est-ce que l’interprétation de la Sacem est juste ? Tout cela reste encore à être confirmé et acté par les tribunaux.